Mihaela Ursuleasa In memoriam

Mihaela Ursuleasa In memoriam

MIHAELEI URSULEASA, CU DRAG

 

L’importance d’une artiste telle que Mihaela Ursuleasa demeure dans la vérité absolue qu’elle transmettait au piano. Aussitôt qu’elle apparaissait sur scène, on voyait nettement qu’il s’agissait d’une personnalité libre – ça veut dire, d’une âme libre –, ce genre d’humains qui semblent n’avoir d’autres engagements que ceux pris envers un monde supérieur. Ce monde-là, il nous faudra ajouter, est une réalité dont la plupart des gens ni même peut songer. On n’y arrive pas si souvent – d’autant moins qu’aisément. Il faut avoir des ailes d’or et un désir inconditionnel d’y pénétrer.

Chez Mihaela, les ailes avaient des sons. Je l’ai vue pour la première fois en 2009, en jouant le 1er Concerto de Liszt. Tout en n’étant pas un appréciateur du compositeur hongrois, il m’a fallu reconnaître que la jeune pianiste – jusqu’alors inconnue pour moi –, maîtrisait toutes celles difficultés techniques de façon éclatante. Et même ce qui m’a semblé le plus remarquable : elle avait ce qu’on appelle « présence sur scène ». En d’autres mots, elle était si à l’aise sur scène comme on peut l’être à la table d’un café.

Je me suis penché alors sur sa discographie… pour en découvrir quelques véritables trésors. Pour la première fois, beaucoup d’années après Wilhelm Kempff, j’ai pu trouver quelque chose spéciale (et même « spirituelle », je me permets l’audace !) et vraiment provocante chez Beethoven. Les roumains – Enescu et Constantinescu – dans ses mains furent transfigurés pour quelque sorte de sorcellerie. Il n’est pas question de parler du sang roumain ou tzigane – pas seulement ! – l’alchimie que s’y matérialisait prenait sa source dans l’au-delà de l’inspiration tellurique.

Lors de son dernier concert à Bucarest, une interprétation assez angoissée du 2e Concerto de Chopin laissait entrevoir quelque chose étrange. Un véritable artiste est toujours capable de transmettre aux cœurs sensibles soit un monde de merveilles, soit la réel nature de ses émotions – malgré soi. Sur demande du public qu’y était présent, Mihaela offrit l’« Élégie » de Rachmaninov : on dirait un choix prophétique, très ironique et amer.

En apprenant les nouvelles concernant son décès prématuré, je n’ai pas réussi à imaginer ce qui aurait pu le justifier. On ne sait jamais quel genre de tempête se précipite sur les grands esprits ou quel genre de sentiment demeurait dans le silence de son âme… Je pensais alors à la phrase célèbre gravée sur l’orgue de l’Université de Musique de Bucarest – phrase qui a attiré mon attention quand j’y étudiais – ARS LONGA, VITA BREVIS. Vérité cristalline. Et pour Mihaela, un esprit qui n’a connu que l’art, une seule vie ne pourrait jamais contenir autant d’art.

Raul Passos

About these ads

Lasă un răspuns

Completeaza detaliile de mai jos sau apasa click pe una din imagini pentru a te loga:

WordPress.com Logo

You are commenting using your WordPress.com account. Log Out / Schimbă )

Twitter picture

You are commenting using your Twitter account. Log Out / Schimbă )

Facebook photo

You are commenting using your Facebook account. Log Out / Schimbă )

Connecting to %s